jeudi 2 octobre 2008

Derrière l'athlète

« Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises situations. Moi, si je devais résumer ma vie, aujourd'hui avec vous, je dirais que c'est d´abord des rencontres, des gens qui m'ont tendu la main peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j'étais seul chez moi. Et c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée. Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face, je dirais le miroir qui vous aide à avancer. Alors ce n'est pas mon cas, comme je disais là, puisque moi au contraire j'ai pu, et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie, je ne suis qu'amour. Et finalement quand beaucoup de gens aujourd'hui me disent : "Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ? " et bien je leur réponds très simplement, je leur dis : "C'est ce goût de l´amour", ce goût donc, qui m'a poussé aujourd'hui à entreprendre une construction mécanique, mais demain qui sait ? Peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi. » Edouard Baer, Asterix et Obélix : Mission Cléopâtre.

Les performances, les podiums et l’envie de se dépasser occupent une place centrale dans la vie d’un athlète. Au point que certains finissent par tout sacrifier sur l’autel du résultat. D’autres, comme Arnaud, y consacrent la plus grande partie de leur temps mais savent qu’ils ne vivront pas forcément du sport ou ont tout simplement besoin de s’ouvrir à d’autres choses, de se réserver des moments de pause dédiés à leurs études, à leurs passions, aux rencontres etc.
Par son parcours Universitaire (BTS de montage audiovisuel et Sciences Po Paris), ses passions (musique brésilienne et cinéma) et par ses contacts réguliers avec les personnalités du monde du sport, sa famille et ses amis, le Parisien a ainsi trouvé un équilibre. Un soutien et une ouverture qui lui permettent de s’enrichir, mais aussi d’avoir le recul nécessaire pour vivre sereinement les préparations et les compétitions, relativiser les échecs, et au final prendre du plaisir sur la piste.

« Lorsque quelque chose m’intéresse, cela devient rapidement une passion et je m’y investit pleinement ». Dans la vie comme dans le sport, Arnaud a des tendances monomaniaques. Il lui arrive de dédier la plus grande partie de son temps, pendant de longue périodes, à ses passions. Des passions qui, tout sauf des lubies, se construisent dans la durée.
Au premiers rang de celles-ci : le cinéma, qu’il a étudié, et plus récemment la musique brésilienne qu’il pratique (Arnaud joue du répinique une percussion fondamentale dans les formations de Samba).
Inscrit à l’Ecole internationale de création et de réalisation audiovisuelle à l’automne 2004, Arnaud y a développé une véritable boulimie pour le 7eme art. Pendant deux ans, il va au cinéma deux fois par semaine et dévore aussi bien les grands chef d’œuvres de l’histoire du cinéma que les dernières nouveautés. Analyses filmiques, cours d’histoire du cinéma et de la peinture, cours de physique et bien sûr montage vidéo, il y consacre tout le temps qu’il lui reste en dehors des entraînements et compétitions.
Son BTS passé avec succès, Arnaud travail un temps comme monteur à MTV France, continue de suivre l’actualité du cinéma et à toucher à la conception et réalisation. Il collabore à quelques reportages. Notamment sur le premier Championnat de France de Beatbox (musique avec la bouche) qui s’est tenu à Angers et auquel il a participé.


Mais en cette rentrée 2006, ses études terminées, beaucoup de temps s’offre à lui. C’est alors qu’il décide de se tourner vers la musique et le Samba. Une idée qui lui trottait dans la tête depuis deux ans, lorsqu’il apprend qu’un ami de son cousin vient de monter Sambacademia, une école de musique brésilienne. Arnaud en devient alors membre et choisit rapidement de se spécialiser dans un instrument, le répinique, dont il a vu une démonstration lors du défilé de sambatuc (école de samba parisienne) un après-midi d’été sur un quai de Seine lors de l’ouverture de Paris plage. Un instrument qu’il apprécie particulièrement. Le répinique est une sorte de haute caisse claire, que l’on frappe avec une baguettes et la main. Elle lance toute la batterie d’instruments, avec laquelle elle entame une sorte de dialogue qui structure les morceaux de Samba. Là aussi Arnaud se donne à fond et tout va très vite. Au bout d’un mois et demi, il prend aussi des cours avec les élèves dits « avancés » (un an ou plus pratique) et deux mois plus tard il intégrera Sambatuc, une célèbre bateria de samba parisienne (formée de musiciens qui ont en moyenne trois années ou plus de samba derrière eux). Puis, pendant trois mois, il prépare un répertoire avec le groupe de « débutant, avancé » de Sambacademia et dirige la « batucada » à la fête de la musique à Paris. Un peu plus tard il se produit avec différentes « batucada » sur une série de carnavals en France et en Europe : Coburg en Allemagne, un grand festival dédié à la musique brésilienne, le carnaval jamaïcain de Notting hill etc.

Des activités prenantes qui permettent de trouver un équilibre. Un contrepoids aux heures passées sur les pistes d’athlétisme. Pour s’aérer, relativiser aussi les échecs et bien gérer les périodes creuses, de repos ou de blessures. Pour s’enrichir aussi. Car si Arnaud fonce tête baissée dans ce qui l’intéresse, il n’aime pas se cantonner à un seul domaine.
De ce point de vue l’entrée dans la section pour sportifs de haut niveau de Sciences Po Paris, grâce au partenariat entre la Fondation Lagardère et l’école parisienne fin 2007, a véritablement enthousiasmé l’athlète, toujours motivé pour apprendre et s’ouvrir à de nouvelles matières. « C’était une sensation étrange de me dire qu’à 22 ans j’allais travailler comme monteur vidéo et arrêter mes études, raconte Arnaud. J’avais envie de continuer encore un peu. L’entrée a Sciences Po m’a fait du bien. Cela m’a redonné goût à autre chose et ça laisse des portes ouvertes ».
Au sein du prestigieux établissement parisien, où il côtoie des sportifs comme Arnaud Di Pasquale (tennis), Julien Tchoryk ( badminton), ou de partenaires d’entraînement comme Fabrice Calligny ou Ayodele Ikuesan, ce sont de nouvelles matières qui s’offrent à lui. Relations internationales, économie, découverte du monde contemporain, les sportifs de haut niveau y boostent leur culture général, gagnent en réflexion et méthodologie, et peuvent reprendre s’ils le souhaitent un cursus universitaire. Pour Arnaud, c’est d’abord et avant tout une nouvelle manière de penser : « Grâce aux professeurs de Sciences Po et mon tuteur Jean-Claude Legal, j’ai acquis de nouvelles connaissances notamment en économie.  Cela permet de voir des liens nouveaux entre des domaines comme le sport et l’économie ou le sport et la société en général, explique Arnaud. Ça donne aussi des idées. Si un jour je veut monter une entreprise par exemple,  grâce à un cursus science po, suivant la spécialité, je pourrais me débrouiller seul» .

Avoir une tête bien faite et continuer à apprendre au quotidien, deux choses fondamentales pour pouvoir progresser et prendre le recul nécessaire sur sa vie d’athlète. Mais cela ne suffit pas toujours. Partager l’expérience de ses pairs, jeunes retraités ou encore actifs, et bénéficier de leur soutien est également un atout essentiel dont Arnaud a eu la chance de bénéficier lors de rencontres sur des meetings, lors de compétitions internationales handisport et surtout au cours d’événements marquants comme les étoiles du sport.
C’est à La Plagne en 2003, pendant la semaine où se retrouvent des jeunes espoirs du sport et les champions qui vont être leurs parrains (Stéphane Diagana, Laurent Blanc, Taïg Khris…) que la Parisien fait le plus de connaissances et glane des conseils qui lui seront utiles : ne pas rechercher que la performance mais aussi et surtout prendre du plaisir dans ce que l’on fait, rester soi même etc., etc.
Il y découvre également des modèles, ces « grands champions, simples et naturels, d’une grande humilité qui force le respect », comme il les décrit. Et Arnaud de citer les noms de sportifs présents comme Ladji Doucouré, Thomas Levet, Tony Estanguet, Laura Flessel, Jean-Philippe Gaetien, Loic Leferme et bien d’autres encore. Ces étoiles du sports auxquelles il participera plusieurs fois lui donne aujourd’hui cadre et un soutiens précieux : « Ça te fait prendre conscience que tu as un potentiel et que tu peux faire quelque chose. Cela te donne une petite responsabilité et en même temps cela te redonne de la confiance et te motive encore plus, commente Arnaud. 
Quatre ans après sa première participation, Arnaud Assoumani s’apprête à participer aux Jeux paralympiques à Pékin, où il espère tirer profit de tous ces enseignements et du recul que ses études, ses passions, son intégration au sein du team Lagardère et les rencontres faites depuis 2004 lui ont apportés sur sa carrière d’athlète pour réussir lors de la compétition. Une chose est sûre, Arnaud n’entamera pas les épreuves de la même façon : « À Athènes, j’étais seul, même si ma famille, mon entraineur et l’equipe de France me soutenaient. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus encadré et il y aura aussi avec moi tous ceux à qui je pense et qui n’ont pas pu se qualifier, ceux de mon groupe qui se sont blessés et surtout tous proches ceux qui nous ont quitté. Je me sens beaucoup plus fort. Ce sera une autre compétition. »