jeudi 2 octobre 2008

Biographie

Arnaud n’est pas là par hasard. Le sport, il a toujours baigné dedans. Dès l’âge de deux ans, lorsque sa mère l’inscrit dans un groupe de bébés nageurs pour l’aider à se développer normalement malgré son handicap. Issu d’une famille de sportifs (son père, basketteur, a également été gardien de but dans un club de football, sa mère pratique le volley à un niveau régional), Arnaud chope rapidement le virus. Il regarde les grandes compétitions à la télévision et commence à jouer au basket, au foot et au tennis de table chez lui, aux Ulis (91) en région parisienne. Le sport devient très vite une passion.

À 11 ans, Arnaud, qui a déménagé dans le Maine-et-Loire près d’Angers, en exerce jusqu’à trois en même temps. Il est alors inscrit dans des clubs de basket-ball, de tennis de table et de natation. C’est à cet âge qu’il découvre l’athlétisme.

Une activité qu’il n’a alors jamais pratiquée. Ses parents ont voulu le préserver d’un sport qui, avec ses contacts violents au sol, peut être traumatisant physiquement pour un enfant. C’est pourquoi ils l’ont fait attendre son entrée au collège pour débuter. Arnaud n’a, lui, pas attendu aussi longtemps pour s’intéresser à ce qui allait devenir son passe-temps favori et développe dès son plus jeune âge un intérêt pour l’athlétisme en général et la longueur en particulier, dont il observe attentivement les concours sur son écran de télé.

Les premières images de sa future discipline il les a depuis longtemps oubliées, mais pas les premières émotions qui l’ont marqué : « Les athlètes à la longueur qui pédalaient pendant leur saut, ça m’impressionnait. raconte-t-il. Ça me faisait rêver». Aussi lorsqu’il saute pour la première fois, c’est comme s’il en avait déjà fait. Philippe, son premier entraîneur, est alors frappé de voir le jeune Angevin exécuter naturellement, sans s’en rendre compte, le mouvement de ciseaux qu’il a observé chez les Mike Powell et autres Karl Lewis.

C’est au CSJB d’Angers qu’Arnaud Assoumani prend ses premières marques. Sprint, longueur, triple saut, hauteur et petit triathlon, l’adolescent touche à tout et truste rapidement les premières places des concours locaux auxquels il participe. En minime, il commence une longue collaboration avec Gaël Gonzales, un ancien athlète spécialiste du 800 mètres, qui le prend sous son aile et, en 2002, il participe pour la première fois au championnat de France à Angers dans la catégorie cadet.


2003 : l’année charnière
Championnat d’Europe handisport, et nouveau record en longueur (7m11)

À la clé, une place de 11ème meilleur Français à la longueur et l’ambition d’aller encore plus loin. Si 2002 fut une bonne année, l’année suivante n’est pas mal non plus.
Arnaud ne le sait pas encore mais 2003 va devenir une année charnière dans sa carrière d’athlète dont elle marque véritablement le début. En juin, il s’envole pour Assen aux Pays-Bas et participe à sa première compétition handisport. En Hollande, il défend les couleurs de la France au championnat d’Europe où il s’aligne à la longueur, à la hauteur, sur 100m et relais 4X100. Au total ce seront trois médailles glanées, l’or en hauteur (1m90) et sur le relais 4x100, l’argent à la longueur (avec un saut à 6m76) et une honorable sixième place sur le sprint (100m) qui ne fait pourtant pas partie de ses spécialités. La découverte aussi et surtout d’un monde nouveau : celui du handisport.

Car jusqu’ici Arnaud n’a couru qu’en « valides ». Une expérience un peu déroutante au départ. Né sans avant-bras gauche Arnaud n’a jamais eu à changer ses habitudes, ni à s’adapter. Il a tout simplement fait autrement, naturellement, et ne s’est tout simplement jamais senti handicapé. « C’était un peu bizarre au départ de voir tous ces handicaps. Car d’ordinaire on ne voit pas son propre handicap ou alors seulement dans le regard des autres. Je me suis retrouvé avec des gens comme moi (amputé ou ayant une malformation du membre supérieur) et aussi des athlètes avec des handicaps beaucoup plus lourd, raconte Arnaud. C’est un peu étrange, mais on oublie rapidement car la compétition reprend très vite le dessus». Une sensation de courte durée également en raison de l’ambiance qui l’installe dans un environnement où il se sent à l’aise : « L’avantage c’est qu’il n’y a pas de tabous, entre nous on se comprend. Et l’autre force du handisport c’est cette convivialité, cet humour et ce sens de l’autodérision, que j’ai vraiment appréciés, explique Arnaud. Les athlètes sont les premiers à rire d’eux-mêmes. C’était vraiment une bonne expérience. »

Une semaine plus tard, lors des championnats interrégionaux disputés à Niort, durant lesquels il efface également une barre à 1m98 en hauteur, l’Angevin franchit 7,11m à la longueur et se maintien parmi les meilleurs français de sa catégorie en valide. Des événements qui font date. Un rêve qui commence. En espoir (junior), il se spécialise enfin à la longueur, sa discipline favorite. Arnaud a 18 ans, et ses résultats deviennent de plus en plus prometteurs.


2004 : l’année Olympique

Août 2004, Athènes. Première qualification pour les Jeux paralympiques. Il prend alors conscience du chemin accompli : « Ça été un choc. J’ai défilé avec toute l’équipe de France lors de la cérémonie d’ouverture dans un stade de 70 000 places rempli, se rappelle-t-il. J’en avais rêvé et là j’y étais. Je n’arrivais pas à y croire. Tout est allé très vite ». L’ambiance, les rencontres avec les athlètes des autres nations représentées, et bien sûr la compétition, le souvenir est gravé dans sa mémoire. Côté performance, ce sera une médaille de bronze à la longueur.

Une nouvelle aventure qui lui fait rapidement oublier sa déception de n’avoir pu défendre toutes ses chances à causes de douleurs dorsales. Notamment lors des épreuves de triple saut et de saut en hauteur. En effet, en mars de la même année, Arnaud est tombé à l’entraînement sur une haie et s’est fait un hématome au talon. Bilan : un mois d’arrêt pendant lequel il marche sur la plante du pied sans poser le talon au sol. À la reprise de l’entraînement, il commence ensuite à ressentir quelques douleurs lombaires, sans y prêter attention au début. Des douleurs passagères qui deviennent de plus en plus vives, notamment après les séances de sauts. : «C’était comme si on me plantait une aiguille dans le bas du dos », décrit-il. À l’approche des Jeux d’Athènes, il appréhende alors la gestion des trois épreuves de saut auxquelles il doit participer, la longueur, le triple et la hauteur. Et s’interroge sur la gravité de sa blessure au dos, la grande inconnue.

Heureusement pour Arnaud la compétition a commencé par la longueur. L’athlète a ainsi pu réaliser un saut à 6m91, avant que la douleur ne le rattrape : « Pour la longueur, ça a été à peu près car c’était la première épreuve. Mais pour le triple saut et la hauteur ça a été très dur. Je n’ai pas pu m’exprimer totalement », confie-t-il.
Le bilan reste donc positif. Pour lui, la priorité c’est désormais le sport, même si Arnaud n’en délaisse pas pour autant ses études (son bac S une fois en poche, il prépare pendant deux ans un BTS de montage à l’Ecole internationale de création et de réalisation audiovisuelle puis intègrera en 2007 la section pour sportifs de haut niveau de Sciences po Paris toute nouvellement créée).

Pendant trois ans, quatre à cinq fois par semaines, il va s’entraîner au stade Charletty à Paris. D’abord avec Olivier Deniaud et Jean-François Bonem, les deux premières années. Puis il retournera en 2006 avec Gaël Gonzales son ancien coach resté à Angers et avec qui il communiquera à distance.

Trois années de maturation, trois années difficiles aussi, car émaillées par des douleurs récurrentes au dos qui l’handicaperont pendant des longs mois. Qu’à cela ne tienne ! Arnaud continue patiemment, multipliant séances de gainage, musculation et entraînement pour compenser, et poursuivant la compétition.

Car après Athènes les examens sont rassurants, il n’y a aucune lésion et par conséquent rien de grave, mais les douleurs persistent. Il faut donc que qu’Arnaud apprenne à « gérer » la douleur. « Cela m’a pris trois ans environ, en jonglant avec les séances de kiné, le travail de renforcement musculaire, étirements et postures, détaille Arnaud qui se souvient des moments difficiles. Pendant un moment je faisais du gainage et me faisais masser le dos à la crème chauffante par le kiné avant toutes mes séances d’entraînement. Ça me soulageait et ça me permettait surtout de pouvoir m’entraîner ».


2006 : la consécration

2006, pour Arnaud, qui doit toujours composer avec des douleurs récurrentes au dos, sera l’année de la consécration avec le titre de champion du monde. La marque n’est pas historique (6m77) mais le concours fut très disputé avec un athlète marocain qui termine deuxième du concours malgré un saut à 6m77 également. «  C’était le concours le plus serré de toute ma carrière. Je misais tout sur le premier essai car mon dos n’était pas au mieux et plus le concours avançait moins j’avais de chance de sortir un bon saut, raconte-t-il . En réalisant 6m77, sachant que les trois derniers championnats se sont gagnés à plus de 7m, je me suis dit : ça va être chaud ! Je serrais les dents pour pas montrer à mes adversaires que j’étais diminué et je croisais les doigts pour que le résultat tienne, jusqu’à ce que le Marocain réalise la même marque que moi au cm près ! Un coup de chance ! ». Ce résultat vient récompenser les efforts fournis depuis 2003 et les premiers championnats handisports d’Arnaud.



2007 : un nouveau pallier 


L’année 2007 est vraisemblablement le deuxième grand tournant dans la carrière du jeune athlète. Pendant l’été, Arnaud se rapproche de Guy Ontanon, ex-entraîneur de Ronald Pognon (recordman de France du 100 en 9 “99), Muriel Hurtis (championne d’Europe sur 200m en 2002 et championne du monde en salle en 2003) ou encore de Christine Aron (médaille de bronze sur 100 et 200m aux championnats du monde d’Helsinki en 2005). Guy Ontanon lui propose alors d’intégrer son groupe d’entraînement au sein du team Lagardère, une structure privée, spécialisée dans l’expertise sportive et l’accompagnement des athlètes vers la performance.

La Team regroupe des sportifs de haut niveau dans plusieurs sports comme l’athlétisme et le tennis dont quelques athlètes handisport font partie. Martial Mbanjock (champion de France sur 100 m et demi-finaliste aux Jeux olympiques de Pékin), Salah Gaidi (champion de France du 400 mètre haies), Yannick Lesourd (3eme aux championnats de France sur 100m et qui a participé au relais 4x100m à Pékin) et des joueurs et joueuses de tennis comme Richard Gasquet, Paul-Henri Mathieu ou encore Alizé Cornet figurent dans ce vivier de champions.

C’est un changement radical pour Arnaud qui s’entraînait seul depuis un an, loin de Gaël Gonzales, son entraîneur resté à Angers. Il se retrouve au sein d’un groupe de très haut niveau et parmi quelques-uns des meilleurs sprinteurs français ! De quoi bousculer tous les repères, et amener une émulation nouvelle : « Le groupe te porte. Ça te pousse dans tes derniers retranchements, explique Arnaud. Cela m’a permis de repousser mes limites et m’a amené à un niveau que je ne soupçonnais pas ». « Je me suis dit : je n’ai plus de records. Je n’ai plus aucune limite. Je me concentre à deux cents pour cent sur mon entraînement et je les suis. Cela m’a fait progresser très vite », raconte Arnaud Assoumani.



Objectif Pékin


Quatre ans après Athènes, Arnaud s’apprête aujourd’hui à retrouver les Jeux, plus motivé que jamais. Les blessures toujours un problème ? « Depuis bientôt dix mois je souffre d’un syndrome rotulien aux genoux. C’est parfois difficile. J’ai notamment manqué quelques séances d’entraînement à cause de cela, concède Arnaud. Mais rien de très grave, il faut juste gérer la douleur, l’oublier et la dépasser, rassure-t-il, faisant même contre mauvaise fortune bon cœur, en ajoutant : «  Les problèmes récurrents que j’ai rencontrés me donnent encore plus de motivation pour me dépasser et aujourd’hui j’ai les crocs ! ».

 « Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort », telle est la devise du Parisien et Angevin, qui n’a cessé de s’entraîner pendant ces trois années. Aujourd’hui, si ses résultats en longueurs ont été assez réguliers, son potentiel a, lui, décuplé. Technique, vitesse, gainage, musculation, mental… il a progressé dans tous les domaines. Il se sent désormais près à battre tous ses records. En ligne de mire son record en longueur (7m32) et l’ambition d’aller toucher les 7m50 voire plus ! Même si la volonté de se dépasser reste encore et toujours son objectif premier. Pendant les deux semaines de compétition, Arnaud Assoumani va tout donner sur la piste et tenter de réaliser son objectif : réussir les Jeux de Pékin et ramener des médailles sur 100m, 200m relais 4x100m et l’or en saut en longueur. Avant de viser, pourquoi pas, les Jeux de 2012 à Londres avec les valides.